vendredi 29 avril 2011

“Le Québec n’a pas besoin d’immigration”, une conclusion exagérée et insidieuse. Partie 2


Les impacts économiques de l’immigration
Mon texte est un regard critique sur le livre « Le remède imaginaire… » de Benoit Dubreuil et Guillaume Marois
Dubreuil et Marois concluent globalement que l’immigration n’a aucun impact significatif sur l’économie des pays d’accueil en se basant essentiellement sur les indicateurs comme le salaire et le PIB/habitant qui ont leurs limites lorsqu’il s’agit d’évaluer la santé économique d’un pays. Même si certaines études révèlent des effets positifs ou potentiellement positifs, ils fabriquent toujours des arguments pour en minimiser la portée. D’ailleurs si le PIB/habitant est un parfait indicateur pour évaluer la performance économique d’un pays, les pays comme le Qatar, le Luxembourg et le Singapour qui forment le top 3 en 2010 (http://fr.wikipedia.org/wiki/PIB_par_habitant ) seraient de loin meilleurs et plus développés que le Canada. Hors, je ne me rappelle pas que le Qatar et le Singapour soient considérés comme des pays développés.
Il faut dire que les conclusions des études que j’ai lues jusqu’à date sont moins catégoriques et plus nuancées que celles des auteurs de ce livre qui ne lésinent pas sur les moyens pour dénigrer l’apport des immigrants à l’économie québécoise même s’il faut faire appel à des raccourcis douteux, et à des affirmations sans fondement scientifique. un immigrant détenant un diplôme universitaire a en moyenne une maîtrise de la langue équivalente à celle d’un Québécois «de souche» détenant un diplôme de cinquième secondaire. ». Elle est bonne celle là, d’une rigueur scientifique déconcertante. Parle t-il d’un Maghrébin, d’un Africain, d’un Chinois ou d’un Européen ? En tout cas, ca ressemble plus à une affirmation gratuite qu’à un fait avéré. Je n’ai pas appris la langue française au Québec mais dans un pays en développement. Fin de la parenthèse.
Par exemple, B. Dubreuil soutient qu’ «
Selon la synthèse d’études effectuée par la Chaire des études canadiennes de l’université McGill, l’immigration pourrait bien être plus rentable qu’on le pense étant donné que le coût de «production» des immigrants adultes est assumé ailleurs, mais c'est une question qui exige davantage de recherches.
« Au Canada, il semble admis que la croissance de la population et l'immigration ont été associées à la croissance économique et à la hausse du niveau de vie. Historiquement, cela a été la tendance à long terme, mais on se demande aujourd'hui si ces rapports se poursuivront à l'avenir, compte tenu surtout des changements survenus dans le profil de l'immigration, dans la société d'accueil (p. ex. le racisme) et dans l'économie canadienne (p. ex. la restructuration). » On peut donc dire que la baisse de la performance économique des immigrants n’est pas uniquement due à leur profil mais aussi à des paramètres complexes liés à la société d’accueil. C’est bien plus facile d’intégrer économiquement des Italiens, des Espagnols, des Grecs, quelque soit leur niveau de qualification, que des Arabes, des Africains, bref ces ethnies étranges avec leurs cultures rétrogrades incompatibles avec les valeurs québécoises. Quelle que soit sa qualification, il y aura toujours un doute sur l’immigrant de la nouvelle vague, son expérience non canadienne, ses capacités d’adaptation à un nouvel environnement, l’acceptation de ce nouveau visage, de cet accent différent par la clientèle de l’entreprise, etc. La peur de l’inconnu est tenace. La première fois qu’un employeur m’a fait CONFIANCE, il ne l’a jamais regretté.
Oui, les données démographiques donnent à penser que les récentes vagues d'immigrants mettent plus longtemps que les précédentes à «rattraper» les natifs sur le plan socioéconomique, même si elles sont plus scolarisées que les anciennes. Mais il faudra se poser de bonnes questions et « approfondir la recherche pour déterminer dans quelle mesure cela est attribuable à des changements économiques d'envergure, à la discrimination, à un contexte démographique et à des caractéristiques de capital humain différentes chez les immigrants récents, ou encore à la transformation progressive de la composition sociodémographique de la population hôte».
Qu’on le veuille ou non, ce serait jouer à l’autruche que d’évacuer la variable « discrimination » de l’équation même si elle ne peut pas expliquer à elle seule les problèmes d’intégration économique des immigrants au Québec.
Selon l’étude de Tossou (1998), l’analyse des données de 1986 montre que des immigrants de minorités visibles particulières, notamment les Noirs et les Asiatiques, avaient gagné des revenus inférieurs à ceux qu’auraient justifiés leurs talents. Le désavantage avait diminué pour les personnes nées au Canada.
Selon la même étude, au Québec, le sous-emploi des immigrants (allophones) au sein des fonctions publique provinciale et municipale est un phénomène ancien. Il semble que les efforts en faveur de l’équité en matière d’emploi n’ont pas remporté un succès phénoménal. Au Québec, cette situation s’explique principalement par le fait que l’État est un employeur important pour la majorité francophone de souche, tandis que les anglophones et allophones œuvrent dans le secteur commercial.
« Certains d’entre eux ont peut-être un statut peu élevé, comme employés de petites entreprises, chauffeurs de taxi, nettoyeurs d’immeubles, employés de restaurant, jardiniers, etc. Mais il est à remarquer que les immigrants sont aussi surreprésentés au sein de certains secteurs de la recherche scientifique et de la haute technologie».
L’étude conclut également que les immigrants représentent une source appréciable de main-d’œuvre à meilleur marché et de surplus économique. Grâce aux effets des économies d’échelle, leur présence a également contribué à la croissance de l’activité économique en général. Cette présence induit une redistribution de la richesse en faveur des propriétaires de capitaux ou des utilisateurs des services des immigrants. Par ailleurs, les travailleurs immigrants apportent parfois un bénéfice net fiscal à l’État et un surplus économique plus ou moins important selon les hypothèses retenues pour évaluer les coûts liés à l’immigration. Cependant, leur présence plus ou moins marquée ainsi que leur impact économique, dépendent aussi de la conjoncture économique favorable ou non qui prévaut dans le pays considéré. Une économie en crise tend à défavoriser l’arrivée des immigrants, mais une économie en expansion les attire, et peut accroître considérablement leur apport.
Certes, les immigrants ont de plus en plus un niveau de salaire moyen inférieur aux natifs donc pourrait contribuer moins à l’assiette fiscale des particuliers. Mais les entreprises qui utilisent cette main d’œuvre abordable font plus de profits augmentant par la même occasion l’assiette fiscale des entreprises. Ce qui veut dire la perte fiscale éventuelle, en ce qui concerne l’impôt sur les salaires, est probablement minimisée par un gain fiscal du côté des entreprises. De toute façon, la baisse salariale engendrée par les immigrants n’est pas nécessairement défavorable aux pays hôtes. Elle n’est défavorable qu’aux immigrants et à certains groupes de salariés natifs. La disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée abondante permet d’éviter la pénurie, donc d’empêcher une augmentation démesurée du coût de la main d’œuvre qui pourrait miner la compétitivité des entreprises québécoises dans un contexte de mondialisation de l’économie. La question posée dans le livre à la page 32 - à savoir pourquoi les lobbys patronaux recommandent un haut niveau d’immigration alors que les entreprises qu’ils représentent n’embauchent pas les immigrants que l’on accueille – y trouve en grande partie sa réponse. On a pas besoin nécessairement de les recruter, le seul fait qu’ils soient présents permet de stabiliser des données macro-économiques majeures comme le coût de la main d’œuvre. C’est une simple logique économique de la loi de l’offre et de la demande. Cet effet de modérateur du coût de la main d’œuvre joué par l’entrée massive d’immigrants qualifiés est capital pour une économie qui est en concurrence avec le reste du monde.
L’immigration est un facteur de vitalité entrepreneuriale
Les immigrants contribuent grandement à la création de richesses au Québec. La propension des communautés immigrantes à l’entrepreneuriat est démontrée dans l’étude de Gilles Roy (1998). Parfois, l’immigrant va choisir la voie de l’entrepreneuriat pour contourner les contraintes et les difficultés liées à l’intégration au marché du travail. Ils sont particulièrement présents dans certaines industries comme la restauration, la distribution, les services professionnels, etc.
Même si l’immigration ne permet pas d’améliorer significativement l’indicateur PIB/habitant, elle ne l’a pas détérioré non plus. On peut néanmoins se demander ce qu’aurait été la croissance (décroissance) du PIB du Québec sans l’apport des immigrants ?
L’immigration peut être aussi un instrument d’appui à la croissance économique
En période de prospérité, une politique d’immigration dynamique pourrait faciliter l’arrivée du nombre nécessaire de travailleurs immigrants ayant les qualifications requises. Le pays en profite doublement parce qu’il n’a pas supporté leur formation, et ces derniers sont d’ordinaire de "meilleur marché" que les natifs. Par définition, les travailleurs natifs ne seraient d’ailleurs pas très disponibles, si l’économie tourne à plein régime. Ensuite, la simple présence des immigrants permet de relancer la demande de consommation qui, à son tour, relance la production et par conséquent l’activité économique.
La relation entre l’immigration et l’économie est très complexe et il n’existe aucun modèle parfait pour l’évaluer. Dans ce cas, n’est-il pas hasardeux d’affirmer que l’économie québécoise n’a pas besoin d’immigrants ?
Beaucoup d’inconnus et de variables restent encore à explorer.
Peu de recherches ont été faites à propos de l’incidence de l’immigration sur la production de biens de consommation culturels ethniques, qu’il s’agisse de haute culture ou de culture populaire (p. ex. les restaurants ethniques, certains magasins de détail). Imaginez seulement un Montréal sans les restaurants asiatiques, indiens, maghrébins, latinos et autres.
Par ailleurs des centaines d’entreprises canadiennes font des affaires en or sur les marchés des pays émergents et en développement. Vu le niveau de risque élevé sur ces marchés inconnus, l’apport des réseaux immigrants a été majeur pour aider les entreprises d’ici à y faire leur place. Selon le journal Les Affaires (2010), Les entreprises canadiennes de taille intermédiaire semblent pouvoir compter sur le commerce international puisque 89 % d’entre elles ont vu leur chiffre d’affaires augmenter ces 12 derniers mois sur les marchés étrangers, selon un sondage de la HSBC. Pensez-vous que Bombardier ou SNC-Lavalin décrocheraient leurs gros contrats dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient sans le coup de pouce des immigrants provenant de ces régions ?
Aussi, on ne connait pas assez l’incidence de l’immigration sur le tourisme dans les villes canadiennes. Imaginez aussi Montréal sans tous les festivals multiculturels qui font son dynamisme et son rayonnement international.
L’immigrant si coûteux ?
Malgré toutes les spéculations des auteurs, il faut dire tout simplement qu’il n’y a aucun modèle qui peut permettre d’estimer avec exactitude les avantages coûts/bénéfices de l’immigration. Le coût de « production » de l’immigrant qui entre au Canada avec une moyenne d’âge de 27 ans est assumé ailleurs. Savez-vous combien ca coûte au Québec pour élever un enfant et l’amener à cet âge avec les qualifications qui vont avec ? Si vous avez un chiffre, multipliez-le par le million d’immigrants entré au Québec entre 1971 et 2006, et votre calculatrice va peut-être explosée. Ca peut se chiffrer à des centaines de milliards d’économie sur cette période. Évidemment, l’évaluation n’est pas aussi simple que dans mon exemple. Je ne ferai pas les mêmes déductions simplistes que les auteurs. C’est juste pour dire que c’est une variable très importante qu’aucune étude n’a encore pris en compte jusqu’à maintenant, du moins à ma connaissance.
L’aide sociale, une mesure transitoire pour l’immigrant, une carrière pour certains natifs
Les auteurs démontrent une méconnaissance profonde des motivations et des ambitions des immigrants qualifiés en faisant croire qu’ils préfèreraient le chômage au travail à cause de la générosité de l’État social québécois.
Les études sur l’utilisation de l’aide sociale par les immigrants soulignent globalement qu’ils y font recours souvent de façon temporaire (3 mois à 1 an) en attendant de trouver un emploi alors que les natifs vont rester plus longtemps sur le programme. L’immigrant ne fait toujours pas appel à l’aide sociale de gaieté de cœur alors que le système l’y encourage. J’ai déjà accompagné bénévolement plusieurs immigrants dans leur recherche d’emploi. Pour faciliter le décrochage de ce premier emploi qui offrira l’expérience canadienne manquante à leur C.V, je leur conseille souvent de faire appel au programme de subvention salariale d’Emploi-Québec qui aide les entreprises à engager des personnes éloignées du marché de l’emploi en ne défrayant qu’une infirme partie des charges salariales. A plusieurs reprises, les agents d’Emploi-Québec ont exigé aux immigrants de s’inscrire d’abord à l’aide sociale avant d’obtenir leur admissibilité à la mesure subvention salariale parce qu’ils sont trop qualifiés pour en bénéficier. Cette situation cocasse est due au fait que l’efficacité du programme est évaluée en fonction du nombre de personnes sorties de l’aide sociale. J’en ai connu plusieurs immigrants qui ont refusé de passer par cette étape inutile, même versé des larmes à l'idée de devenir "des mendiants", mais pour d’autres, lorsque tu as une famille à nourrir, la honte n’est pas une option.
Malgré la générosité de l’État social québécois comparativement au reste du Canada, la migration inter-provinciale a été souvent défavorable au Québec, c'est-à-dire qu'une partie des immigrants sélectionnés par le Québec quitte pour les autres provinces. Cela signifie tout simplement que les immigrants ne sont pas là à cause de l’aide sociale qui est dérisoire mais pour trouver un travail valorisant qui leur permettra d’améliorer leur situation socio-économique et même d’avoir des économies pour aider les membres de leur familles restés dans le pays d’origine, ou même parfois pour rembourser les sommes empruntées pour réunir l’argent nécessaire à leur projet d’immigration. Ca coûte très cher ce projet. Ces gens là ont pour la plupart un niveau de vie assez confortable dans leur pays d’origine qu'ils veulent améliorer, le pauvre chèque de l’aide sociale ne peut définitivement pas être la solution.
La sélection des immigrants au Québec est perfectible,
Le Québec peut et doit améliorer son processus de sélection des immigrants qui, selon moi, génère certains résultats paradoxaux sur lesquels je n’ai pas le temps de m’étendre. Cependant, il ne faut pas se leurrer non plus car il n’y aura pas de situation parfaite. Le Québec ne videra pas indéfiniment et gratuitement les autres pays de leurs meilleurs éléments déjà formés, clés-en-main, livraison incluse. Il faut bien assumer certains coûts et améliorer les programmes pouvant faciliter l’intégration économique des immigrants.
Le Québec a pris un virage intéressant depuis une décennie qui consiste à encourager la rétention au Québec des milliers d’étudiants internationaux qui viennent au Québec à chaque année (24 475 à l’automne 2009 dont 15 660 au 1er cycle, 5692 au 2e cycle et 3123 au 3e cycle). Vous imaginez 3 123 étudiants étrangers au doctorat ? Leur importance relative au 3e cycle est supérieure à celle des natifs. Même si l’obtention d’un diplôme canadien n’est pas une garantie contre la discrimination, c’est une clientèle qui s’intègre mieux sur le marché du travail. J’en suis un exemple, j’ai payé mes études à prix fort, et cela ne m’a pas pris plus d’un an pour atteindre le niveau salarial des natifs. J’avoue que pendant l’année de galère, j’ai dû faire quelques petits boulots. Je suis quand même fier d’affirmer que je n’ai rien coûté à l’État québécois avant de commencer par travailler. La grande majorité de ces étudiants diplômés ici se placent à l’intérieur d’une période de 1 à 3 ans, souvent plus dans les grandes entreprises et multinationales que dans les petites entreprises familiales qui constituent la majorité des entreprises québécoises. Malgré tout, j’ai perdu une bonne partie de mon réseau d’étudiants étrangers au profit de l’Ontario et de l’Alberta à cause de la lenteur de l’intégration sur le marché québécois.
La recommandation que les auteurs n’oseront pas faire à haute voix
La conclusion qui se dégage des 310 pages du livre est que le Québec devrait sélectionner seulement des candidats de religion chrétienne pouvant s’intégrer instantanément sur le plan social, culturel, politique, économique et qui partagent les « valeurs québécoises ». En d’autres termes, il devrait ouvrir ses portes à des Français,  des Finlandais, des Suédois, des Anglais, des Espagnols très qualifiés; une population qui ne transformera pas « ethniquement » et durablement le profil de la population québécoise. Mais ce genre d’immigrants sont-ils vraiment intéressés à venir s’installer au Québec, alors que leurs pays vivent plus ou moins la même problématique qu’ici ?
En plus je me rappelle bien d'histoires de médecins français qui ont eu énormément du mal à s'intégrer au Québec et qui ont du déménager en Ontario pour décrocher un emploi en un temps record. Alors mieux vaut tout de suite arrêter de rêver.
Le but affiché du livre qui est de dénoncer l’hyper-optimisme de la classe politique à propos des impacts économiques et démographiques de l’immigration est louable mais dans les faits, cette tentative a basculé dans l’autre extrême, l’hyper-pessimisme. L’émotion et les convictions personnelles des auteurs ont vite pris le dessus. A-t-on besoin d’écrire 310 pages pour passer ce message ? Qu’importe le livre aura le mérite de relancer le débat et peut-être de pousser les gouvernants à faire quelques ajustements salutaires.
 Rachad Lawani
Un immigrant de pays en développement dont les auteurs semblent mépriser le système éducatif.

2 commentaires:

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